Le Grand Carnassier
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

Le Grand Carnassier

Forum tyranide francophone
 
AccueilAccueil  Dernières imagesDernières images  S'enregistrerS'enregistrer  ConnexionConnexion  

 

 Georgos Prime

Aller en bas 
2 participants
AuteurMessage
L'ombre funeste
Prince
L'ombre funeste


Messages : 864
Date d'inscription : 17/07/2011
Age : 26
Localisation : LV-426

Georgos Prime Empty
MessageSujet: Georgos Prime   Georgos Prime Icon_minitimeJeu 23 Fév 2012 - 19:21

Comme je suis aujourd'hui pris d'une fièvre littéraire et que je me disais qu'on ne parlait pas assez des paysans de Warhammer 40.000, je me suis dit que ce texte serait le bienvenue. Et pour une fois je me suis débrouillé pour le poster en un seul morceau!

Lorsque l'homme partit à la conquête des astres, nombre de colonies furent établies. La plupart d'entre elles devinrent des agri-mondes, qui servirent à nourrir les milliards d'habitants des planètes plus aisées. Mais lorsque l'Empire faillit, lorsque l'Empereur se dessécha, lorsque les cités s'effondrèrent et que les plus grandes planètes de ce monde ne devinrent que désolation, seuls ces rebuts, ces parias, ces exilés de la société subsistèrent. Livrées à elles-mêmes, les planètes de blé durent survivre par leurs propres moyens.
En cet âge sombre dont la date s'est perdue, l'humanité vit ses derniers instants. Écoutez le chant de son agonie, écoutez une dernière fois le bruissement de l'orge sous les vents, car ils sont le dernier souffle d'une race déjà défunte.

Georgos Prime est une planète relativement petite par rapport aux géantes telles qu'AgerosIII. Mais elle compense largement sa superficie par l'étendue de ses champs. Les blés s'y étendent à l'horizon en une mer d'or. Leurs seules limites sont les rares routes de terre battue, qui tranchent dans les cultures comme le feraient des plaies. De temps à autre, une habitation. Un puits de plastique assez grande pour abriter une famille. Puis de nouveaux hectares de champs, infinis dans leur beauté.

La voiture dérapa. Il regarda derrière lui. Son père, à bord d'une moto, le poursuivait toujours en l’exhortant de stopper cette voiture qui lui venait de ses ancêtres. Il rigola intérieurement, et augmentant encore la vitesse, continua sa route. Mais invariablement, le véhicule de collection allait moins vite que le bolide paternel. Devant, une grille. Il devait tourner. Trop tard. Il la défonça. Mais la voiture freinait toujours, ce qui d'ailleurs sauva le passager mécontent en lui évitant une chute de plusieurs kilomètres dans une gorge. Il redémarra. Tout se passait trop vite pour qu'il se rende compte qu'il venait d'échapper à la mort. Ce qu'il savait, c'était qu'il avait un père furieux à ses trousses. Devant lui, le vide. Et un champ. Encore un. Il ne pouvait dans tous les cas revenir à la route sans croiser son père, qui pourrait alors le stopper par des moyens plus ou moins recommandables. Il choisit le champ. La voiture cahota. Il recevait des mottes de terre et des épis en plein visage. Mais il continuait. Tout droit. Il commença à s'affoler lorsqu'il se rendit compte qu'il avait perdu le chemin de vue. Les blés d'à peine plus de cinquante centimètres de haut suffisaient à lui masquer son échappatoire. Sa seule consolation : il n'entendait ni ne voyait plus son père. Il continua encore un certain temps de rouler, avant d'enfin rejoindre son salut. Il parvint à s'arrêter. Il reconnaissait le virage dans lequel il était arrivé. Il soupira d'aise. Décidément, il était un génie. Il redémarra et retourna à son logis. Avec un peu de chance, il serait de retour avant la prochaine lune.

Borée marchait au clair de lune. L'orge bruissait autour de lui. Mais aussi étrange que cela puisse paraître, ses pas n'écrasaient pas la moindre pousse. Par quel miracle cet enfant pouvait-il de la sorte s'harmoniser avec sa culture ? Nul ne s'était jamais posé la question. Peut-être parce qu’il n'y avait ici personne pour s'interroger. Borée arriva enfin à la scène de destruction. Devant lui courait un large sillon de terre arrachée et de pousses piétinées. Il s'accroupit et tâta le sol. C'était la saison sèche. La terre ne pourrait se remettre de sa plaie et cette zone resterait à jamais stérile. Il se releva, résigné. Il ne pouvait rien y faire.
Ainsi se perdait la céréale qui aurait fait son pain. Malgré les plusieurs hectares de sa plantation, une perte, aussi minime soit-elle, était toujours synonyme de malheur à venir. Car c'était de ce grain dont il se nourrissait tous les jours, et il ne pouvait attendre d'aide extérieure.
Borée allait s'en retourner au domicile familial lorsque son pied s'enfonça dans une matière collante et visqueuse. Il regarda ce que c'était quelques instants avant de comprendre. Il courut. Il courut aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient. Il fallait chercher de l'aide, l'avenir du champ et des hommes en dépendait.
Le jour pointait lorsqu'il atteint le puits. Il dévala les escaliers quatre à quatre avant de s'élancer dans les couloirs de l'habitation. Il déboula dans le dortoir et hurla : « Sortez tous ! Le champs est contaminé ! »

Les flammes dévoraient l'orge. Borée pleurait. Tous pleuraient. Les larmes coulaient sur leurs joues, descendant jusqu'à leurs mains liées qu'elles soudaient comme d'une dernière étreinte. Puis elles s'écrasaient au sol, en une veine tentative d'offrande à la terre.
Ils restèrent ainsi jusqu'au matin. Puis, quittant cet espace à jamais noir, ils revinrent au puits.

La vie sur Georgos Prime dépend de la générosité des plantes que les hommes cultivent. La moindre perte peut être fatale, car les exploitations familiales doivent, en une seule récolte, nourrir durant l'année à suivre une communauté d'une trentaine de personnes. En effet, les aïeux côtoient les fils de leurs arrières petits enfants, ces derniers jouent aux côtés de leurs cousins. Ainsi, lorsque la récolte se perd, ce peut être des générations entières qui partent en fumée.
« Puits » est le terme choisi par les habitants de Georgos Prime pour qualifier leurs profondes habitations. Une trentaine a été édifiée lors de l'aménagement de la planète, et moins de la moitié abrite encore aujourd'hui une famille. Tous ont été conçus sur un schéma standard visant à accueillir une communauté d'une centaine de personnes, en leur fournissant la place de stocker leurs récoltes.
L'entrée d'un puits est une large crevasse circulaire du diamètre d'une petite cour. Un escalier, ses marches longeant la circonférence du cratère, descend alors à une vingtaine de mètres sous la surface du sol. Cette configuration est trop profonde pour laisser pénétrer la lumière, et pas assez pour accueillir la fraîcheur tant désirée par les habitants. La cour permettait autrefois l'entassement des sacs destinés à être exportés par delà les étoiles. Mais aujourd'hui, alors que toute communication avec une civilisation extérieure a disparu, et que même les extraterrestres sont passés au rang de légende, elles ne servent plus qu'à abriter les jeux des enfants.
Mais quittons ces espaces abandonnés pour nous aventurer dans les réels quartiers habités. Derrière l'escalier, vierge du moindre rayon de soleil, se trouve en effet une porte. Elle semblerait ne pouvoir qu'accepter le passage d'une jeune et frêle fille, pourtant les agriculteurs s'y engagent avec aise. Et derrière, étroit et obscur, s'étend le couloir. Ici la lumière vient de champignons bio-luminescents, dont la lueur ne permet rien d'autre que la vie. De tous côtés, symétriques et indissociables, des portes. Blanches, tout comme d'ailleurs le reste du couloir. L'homme pénétrant dans cette enfilade pourra sentir une odeur de céréale bouillie venant de la première de ces entrées. En s'y glissant, il verra le plus frappant et vile des avatars de la misère.
Une pièce basse de plafond s'étendant sur une centaine de mètres, longée de deux tables chargée chacune d'innombrables couverts et ustensiles, voilà ce que le visiteur verrait de prime abord. Au fond il distinguerait le mobilier propre à une cuisine. Ce lieu, il le nommerait réfectoire. S'y réunit la famille, s'y engagent conversations diverses et variées. Le visiteur repart. Laissons-le. Et ouvrons les yeux. Nulle tâche ne vient salir ces tables, nul éclaboussure ne vient souiller ces murs. Partout l'immaculé. L'immaculé du vide. Le grain qui bouillit au loin n'est qu'illusion. Ces paysans qui durant la journée ont trimé sous le soleil d'un monde étrange n'ont rien récolté de leur labeur. Car ce grain que, peut-être, si ils en trouvent le temps, ingéreront, est le signe de leur abandon.
Abandonnés par la société qui les avait engendrés. Abandonnés par les êtres qui leur avaient promis la vie. Société, être qui ne leur laisse aujourd'hui que le grain pour survivre, tel le vil, le scélérat, qui dit « Va ! ». « Va ! », tel est les mots prononcé. En un masque de bonté ils leurs disent « Je te laisse cette terre en échange de la nourriture que tu pourras en tirer. Et lorsque je ne serai plus, dans ma magnanimité, je te laisserai ce grain. Mais en aucun cas, même mort, je ne te donnerai les moyens d'atteindre mon statut. »

Un dortoir. Sur le sol froid s'entasse les matelas et les hommes. Là, une dizaine d'enfants, blottis. -Qu'ils sont mignons ainsi serrés les uns sur les autres !-
Regardez mieux. Aucun pleur, aucun ronflement. Juste le lent et calme rythme de leur respiration. Ici, l'un ouvre doucement sa bouche.
-Oh les petites dents !-
Ce rictus, ces sourcils. Cet enfant de cinq printemps tente, alors que le sommeil ne lui a pas encore ouvert ses douces portes, de mimer une émotion. Il se détend alors.
-Il rêve certainement de belles choses !-
Il a depuis bien longtemps compris qu'une froide et sans faille application des règles de conduite qu'on lui avait transmises suffiraient largement à le faire subsister. Et c'est avec un sourire narquois que la torpeur le prit.

Elle se retournait sans cesse sous sa couverture. Elle serra ses dents, puis colla son pied gelé contre sa cuisse. La morsure du froid la fit gémir, puis enfin, le radoucissement espéré. Une larme. Elle espérait. Mais d'un espoir fou. Elle espérait. Mais cet espoir n'était pas celui qu'elle aurait dû avoir. De quoi rêve donc une jeune femme ? Et de quoi devrait-elle rêver ?

Borée sentit les bras d'Aurore l'enserrer. Ils restèrent ainsi de longues minutes, avant qu'il se tourne vers sa cousine. « Qu'y a-t-il donc ?
-Cette nuit j'ai rêvé. J'ai rêvé que le coucou s'élevait dans le ciel et chantait. Qu'il chantait et que nous pouvions enfin allez cueillir le fruit de notre labeur. Mais s'il daigne se montrer, certainement ne le fera-t-il avant des mois.
-Nous tiendrons. Eugène est descendu regarder ce qu'il nous restait. Il reviendra bientôt, et alors nous saurons. Bien-sûr, quel que soit le résultat, nous sauterons un ou deux repas, mais est-ce si terrible ?
-Tu n'as pas compris mes propos... je me demande si je l'entendrai encore une fois. Si d'ici là mon sort ne sera pas scellé.
-Te souviens-tu de Delphine ? Tu n'avais que trois ans à l'époque. Lorsque nous avions perdu dans les flammes des hectares entiers de culture, elle avait tout de même accompli son devoir. Oh ! évidemment elle aurait voulu rester nous aider. Mais il fallait qu'elle parte. Et c'est ce qu'elle a fait.
-Mais vous avez encore besoin de moi ici... Ne pouvons-nous pas attendre l'année prochaine ?
-Il ne me revient pas d'en décider... »
Eugène émergea alors du puits. « Il nous reste de quoi tenir » furent ses seuls mots. Il alla ensuite à la cuisine se servir de la bouillie. Borée regarda le soleil se lever. « Viens », murmura-il à l'oreille d'Aurore. « Nous devons aller pourfendre quelques mauvaises herbes ».

Eugène grogna en s’enfoncent dans le fauteuil. Il était le doyen de cette exploitation et on l'envoyait compter des grains. Quelle jeunesse que celle qui envoyait ses ancêtres faire le sale boulot ! Mais au moins il ne sortirait plus de la journée. Et il pourrait dormir. Et rêver.
De tous les êtres présents dans cette maison, il était le seul à savoir que, jadis, Georgos Prime n'était pas unique. Il était le seul à se souvenir qu'il y avait autre chose que ce cailloux agricole. Et que le jour où la terre, ayant été surexploitée, deviendrait si aride que même le plus résistant des insectes périrait, approchait à grands pas. Déjà il le sentait. La première fois qu'il s'en était rendu compte, il ne l'avait d'abord pas cru. Avant de se rendre à l'évidence. C'était il y a presque vingt ans maintenant. Du mazoute tombé d'on ne sait où avait pénétré la terre. Normalement, le feu combiné au temps l'aurait purgé en moins d'un an. Mais aujourd'hui encore ses effets se faisaient ressentir. Combien de temps restait-il à Georgos Prime ? Un an ? Peut-être deux ? De toute façon il serait mort d'ici là. Et Borée ? Le garçon était devenu le maître des champs il y a cinq ans de cela, et avec les responsabilités était arrivée une certaine arrogance. Mais il aimait bien le garçon. Et il savait que lui, risquait de voir la fin de son monde. Il finit par s'assoupir alors que la communauté affluait dans la cuisine. Des vieux, des jeunes, des « pas-mûrs » s’affairaient autour de la table. Mais aucun ne faisait attention au vieillard. De toute façon il s'en fichait. Il était bien mieux seul. Avec la certitude que cette bonne vieille planète résisterait bien encore un peu.
Ce qu'il ne savait par contre pas, c'était que lorsque le dernier homme de Georgos Prime pousserait son dernier souffle, avec lui prendrait fin une aventure débutée il y a plus de cinq millions d'années.

Ils cisaillaient, ils tranchaient, ils arrachaient. Leurs dos voûtés, la transpirations leur coulant du visage. Les épis commençaient déjà à atteindre une taille respectable, ce qui faisait que leurs extrémités rêches leur irritaient chaque parcelle de peau touchée. Le soleil brûlait la peau.
Borée se releva, dépliant son dos endolori. Il regarda autour de lui. Rien que des champs à perte de vue. Un jour Eugène lui avait montré une étrange illustration. Sur celle-ci se trouvait une sorte de maison volante. Une maison volante et gigantesque. Eugène lui avait expliqué que jadis, ces « barges » comme il les appelait descendaient des étoiles pour prendre le grain que les paysans avaient entreposé à leur attention. En échange, ils avaient le droit de prendre le grain des barges, qui était différent. Et, parfois, une famille de paysans repartait dans les barges, vers une étoile. Mais il avait ajouté qu'il était très rare que telle occasion se présentât.
Suite à ses propos, chaque soir, Borée partait dans les champs, scrutant le ciel à la recherche de ces barges.
La semaine suivante, Eugène lui avait dit qu'un jour, une barge n'avait pas apporté du grain, mais le feu. Et de l'épave écrasée avait coulé un liquide noir et âcre. Il avait contaminé la terre. Les paysans qui avaient mangé le grain là où le liquide avait coulé étaient morts empoisonnés.
Borée ne l’avait pas cru, jusqu'à cette nuit où il avait vu de ses propres yeux le liquide. Il avait alors détesté les barges des étoiles. Une telle haine s'était emparée de lui qu'il avait faillit se suicider.
Mais Eugène lui avait alors avoué que ces histoires étaient des contes pour enfants, qu'il n'aurait pas dû les lui dire et qu'il allait de ce pas aller prévenir les autres enfants que tout ceci était faux. Encore une fois, Borée l'avait cru. Mais ce qu'il trouva étrange, c'était que lorsqu'il parlait de ces légendes aux autres, tous lui disaient qu'ils n'en avaient jamais entendu parlé.

Les jours s'écoulaient. Puis les semaines. Un jour un enfant disparu. Une petite fille. Anastasie. Elle était allée jouer dans les champs, dans un cercle de pierre qu'elle avait trouvée. Le soir elle n'était pas revenue. Mais l'on 'avait pas le temps de s'attarder. Il fallait continuer de travailler.
Emmanuel poussait la charrue à faux. Derrière lui, Grégoire éloignait les insectes qui venaient piquer le dos de Emmanuel. Ils étaient gros. De la taille d'un poing. Ça faisait rire l'enfant lorsqu'ils explosaient en une gerbe de sang violet. La moisson était joyeuse. Ils étaient heureux. Ils ne pouvaient qu'être heureux bon sang ! Pourquoi ne le seraient-ils pas ? Ils avaient un champ ! Ils avaient de quoi le cultiver ! Alors pourquoi tant de misère en cette maison ?!
Borée s'agenouilla devant le lit d'Eugène. Il était mort. Et bien nous n'aurons que plus de grain. Il fallait accepter sa mort. Et bien c'était ce qu'il faisait ! Il le faisait tout le temps. Il acceptait. Il acceptait sa condition, il acceptait sa vie. Quelle vie ?! Il était toujours à calculer, toujours à mesurer. À calculer le grain, à mesurer les distances entre deux cultures certes, mais aussi à calculer l'intensité des réactions de ses proches, à mesurer ses propos. Ses propos... Jamais ils ne venaient naturellement. Il était un acteur. Il analysait toujours avant de parler, avant de faire. Jamais il ne vivait.
Il frappa contre la table de chevet de l'aïeul. En tomba un livre immaculé. Blanc comme les murs, blanc comme le puits, blanc comme le vide. Il l'ouvrit. Il ne savait pas lire. « Aurore ! » hurla-t-il rageur à la jeune fille. « Aurore !!! » Elle regarda timidement par l'entrée de la chambre. « Viens ici... tout de suite. » Elle hésita. Eugène avait été le seul à posséder une chambre à lui. Et jamais personne si ce n'était lui n'y était jamais entré. Du moins du vivant de Borée. Mais Aurore, après avoir vu le regard assassin de Borée, entra. « Qu'y a-t-il d'écrit ? » Elle prit le livre. « Il y a écrit Histoire Du Très Saint Et Vénéré Empereur mais... de quand date-il ?
-D'il y a certainement des millénaires... Tiens, il y a d'autres livres.
-Il est écrit Le Traître et le Renégat, ce sont des animaux ?
-Aucune idée. Mais il y a marqué quelque chose derrière.
-Il est dit... Mais c'est affreux ! Il est dit qu'un homme peut briser son serment !
-Il y en a d'autres...
-Le Gzénos, La Volonté de L’Empereur, Le Guide du Voyageur Galactique, Le Pouvoir de L’Empereur... Je ne sais pas qui est cet « Empereur » mais les écrivains avaient l'air de beaucoup l'aimer. Oh regarde celui là ! Sa couverture n'est pas blanche. Il y a une illustration. Qu'il est beau...
-Fais voir... »
Sur la couverture se profilait un être grand et mince, vêtu d'une armure plus dorée que les blés. En sa main était serrée une longue pique. Son visage, la seule partie se son corps visible, était d'une finesse remarquable. De longs cheveux noirs retenus en queues de cheval lui tombaient jusqu'aux reins, et une mèche lui masquait l’œil gauche. Le droit était quand à lui d'un vert profond.
« Ce devait être le prince Fëanor. Le dernier des « Eldars ». Il aurait apparemment succombé aux hordes de démons. « Eldars »... tu penses qu'ils étaient tous aussi beaux ? On aurait presque l'impression que... ce n'était pas un homme. »
Borée resta de longtemps assis sur le lit, les yeux perdus dans les vagues avant de se saisir des livres. En un accès de rage, il les déchiqueta tous, les piétinant de son pied. Il s'affala alors contre le mur. Aurore se leva lentement et ramassa un fragment de la couverture. Le visage du Eldar était plié de telle sorte qu'il semblait pleurer.
« Des livres pour enfant. Il n'y a que des livres pour enfant. Ce vieux fou n'avait que des contes sur des étoiles inaccessibles. Tu voulais savoir qui était l'Empereur ? Eugène m'en avait un jour parlé. Il m'a dit qu'il avait autrefois été un dieu parmi les hommes. Que son propre grand père y avait cru. » Borée ricana. « Comme si un jour l'homme avait pu quitter ce caillou. »

Borée mit son sac. Il regarda une dernière fois tous les paysans derrière lui. Il s'horrifia de constater non seulement qu'il en connaissait moins de la moitié, mais aussi qu'il n'arrivait pas à se persuader que tous étaient de sa famille.
Néanmoins, il était désormais trop tard pour reculer. Aurore devrait partir, et il devait l'accompagner. Oh bien-sûr il était censé ne l'accompagner que jusqu'à la limite de ses terres... Mais il ne comptait pas revenir. Il voulait savoir ce qu'il y avait au delà des champs. Au delà du ciel.

Ils marchaient à travers les champs. Ils perdirent bientôt de vue leur famille. Au bout d'une heure de route, ils virent un relief. Une petite colline noyée sous l'orge. Ils allèrent à son sommet. Borée s'arrêta alors. Aucun épi ne pointait. Il y avait à la place un cercle assez large pour accueillir une trentaine de personnes sans qu'elles se sentent serrées. Il marcha jusqu'en son centre. Sous se pieds crissait une herbe sèche et jaune. Un souvenir lui remonta alors. Celui d'une petite fille, disparue alors qu'elle avait voulu jouer près d'un cercle de culture qu'elle avait trouvée. « Borée, qu'y a-t-il ? »
L'homme ramassa un petit crâne. Il faisait à peine la taille de son poing. Il l'écrasa. « Nous sommes partis tard et la nuit tombe déjà. Nous dormirons ici. »

Aurore se réveilla. Elle se sentait piquée par d'innombrables insectes. Et cette herbe si sèche... À ses côtés il n'y avait que Borée. Elle aimait bien son cousin, mais il lui faisait parfois peur. Elle entendit alors, parmi le grésillement des créatures de la nuit, un chant. Elle regarda autour d'elle, ne voyant rien qui puisse émettre tel son. Mais elle l'entendait. Et elle en identifiait sa provenance. Elle se leva et, quittant le cercle, rejoignit son origine.
Elle marchait. Non, elle courrait. Elle ne savait plus par où elle était venue. Mais elle s'en fichait bien. Tout ce qu'elle voulait s'était écouter le chant. Mais il semblait s'éloigner. Et autour d'elle les blés s'agitaient. Comme si d'autres personnes couraient à ses côtés. Elle vit alors, au loin, une autre colline. Elle sut qu'elle devait s'y rendre. S'y rendre pour écouter le chant.
Arrivée au sommet de la colline, elle vit un paysage inconnu. Au delà des champs, il y avait encore des collines. Mais elles étaient si hautes... Leurs pointes blanches allaient jusqu'au ciel. Elle repensa un instant à Borée. Elle avait enfin trouvée la route des étoiles. Lorsqu'elle s'en serait assurée, mais elle en était sûre, elle le rejoindrait. Et elle lui montrerait le chemin. Elle s'élança.
D'étranges êtres l'entouraient désormais. Leur peau nue était noire, noire comme la terre. Ils avaient la taille et les proportions d'un bébé, pourtant il couraient aussi vite qu'elle. Elle se prit à en regarder un de plus près. Il n'avait pas de visage. Ou plutôt un masque blanc le recouvrait. Seuls deux yeux y étaient taillés. Et peut-être une larme... Mais il était flou. Et elle ne pouvait s'attarder à sa contemplation. Elle devait atteindre les montagnes avant le levé du soleil. Elle le savait.
Borée s’éveilla le dos endolori et le ventre en proie à d'effroyables douleurs. Il vomit. Il sentait qu'il n'allait pas. Mais il n'avait jamais ressenti ceci avant aujourd'hui. C'était comme si son corps était défectueux de l’intérieur. Il tenta de se relever mais n'y parvint pas. Il vit alors une ombre. Devant lui se dressait un être immense. Il s’évanouit.

Il sentait une torpeur l'envahir. Cet homme n'avait jamais connu le sommeil. Sur Georgos Prime on ne s'endort pas, on s’assoupit. C'est la fatigue et non le repos qui vient prendre les êtres. Un linge baignait son front. Il se sentait partir. Pourtant il sentait toujours la douleur. Il entendit alors un hurlement. Déchirant. Lancinent. Mais si bref qu'il l'oublia aussitôt.

Borée sursauta. Il était dans un lit, le même que celui d'Eugène. La chambre également était la même. Il fourra la tête entre ses bras. Ils l'avaient retrouvé et ramené au puits. Et il ne pourrait plus partir. C'était un rêve... Mais alors il se rendit compte qu'il n'était pas seul.
Il recula aussi vite que lui permettaient ses membres affaiblis, mais les draps l'empêchaient d'aller bien loin. Devant lui se tenait le géant. Il avait les proportions d'un homme, mais sa carrure était impressionnante. Il faisait au moins cinq pieds de haut ! Mais à part sa taille l'homme était normale. De longs cheveux noirs lui descendaient jusqu'aux reins. Et une mèche lui masquait l’œil gauche. Les dits yeux étaient d'un vert profond... Borée ouvrit la bouche, puis la referma. Cet homme... était-ce un Eldar ? « Au non je n'en suis pas un » dit-il en riant. Borée se rendit compte qu'il avait pensé tout haut. Il transpira. Ce visage était si différent... La tête de Borée était rustre, son visage buriné encadré bar une grosse barbe et une sorte de masse de cheveux châtains. Celui de l'homme était fin et glabre. Le nez de Borée était proéminent et cassé. Celui de l'homme semblait avoir été ciselé par les dieux... Et le yeux bleus de Borée semblaient si vides par rapport à ces abîmes de richesses... « Qui êtes-vous donc ?
-Je suis un homme. Un agriculteur. Je suis comme toi.
-Mais... ce n'est pas possible... vous ne pouvez être un homme ! Regardez votre taille, vous faites bien deux têtes de plus que moi !
-C'est juste que nous avons différemment évolués en fonction de nos origines. Les terres du sud où vous vous trouvez actuellement ont été le foyer d'une espèce appelée Eldar. Ils ont ensuite évolués pour donner naissance à ma lignée. Des terres du nord d'où vous venez existaient autrefois une race appelée Halfing. Vous descendez de ceci. Les espèces sont très proches et leurs descendants sont tous des hommes.
-Que c'est étrange...
-Non c'est juste les lois de l'évolution... »
Borée ne l'écouta plus. Il sursauta. « Mais où est la femme qui était avec moi ? »

Les pierres dessinaient au dessus d'elle de magnifiques voûtes. Ces courbes étaient si fines... Ces êtres n'étaient décidément pas des hommes. Et comment eux, si petits, avaient pu ainsi creuser d'aussi impressionnants halls dans la pierre de la montagne ? De hautes sculptures représentaient des scènes mystiques qu'elle ne put identifier. Pourtant elle avait l'étrange impression que cela avait été, en un lointain passé, des scènes de leur vie quotidienne. Elle marcha ainsi entre des colonnes ocres, des arcades brunes et des statues rouges durant plusieurs heures. Mais dans la semi obscurité des profondeurs, la position du soleil pouvait-elle vraiment être connue ?
Aurore parvint enfin à une estrade. Les êtres s'y étaient rassemblés. Ils étaient des milliers. Et d'autres, lentement mais inlassablement, venaient du plafond, descendant des colonnes pour finalement rejoindre leurs camarades. Aurore s'arrêta. Elle remarqua que lorsque que ses « hôtes » se rassemblaient, leurs corps noirs devenaient légèrement translucides. Bientôt, tous ceux du centre de l'estrade disparurent, creusant ainsi un chemin vers un trône. Il était de la même pierre que le reste de la pièce. Et dessus siégeait une femme. Elle avait le même profil que ses congénères. Son corps tout aussi noir semblait n'être qu'une longue robe de bure. Son masque par contre laissait deviner, en plus des yeux et de la larme, une sorte de nez, ainsi que l'esquisse de sourcils.
En fait, lorsqu'elle y réfléchissait, Aurore se disait qu'elle devinait plus que c'était une femme qu'elle ne le savait. Elle décida de s’avancer. Timidement, elle s'approcha de la femme qui se leva. Cette reine dominait l'humaine de toute sa hauteur. Et lentement, de vastes ailes noires jaillirent de son dos pour totalement encercler la jeune femme. Les deux tressaillirent, puis Aurore ferma les yeux. Lorsqu'elle les rouvrit, elle était sur la montagne.

Les saisons paraissaient différentes en ces champs étrangers. Géréo, car tel était le nom de l'homme qui avait recueilli Borée, lui avait présenté la famille avec laquelle il travaillait désormais. Fait étrange, ils ensemençaient. Dans sa terre natale, la moisson venait à peine de commencer.
Géréo était prêtre. Il croyait en une force supérieure qui guidait sa vie. Et son but était d'y faire croire à tous ceux qu'il rencontrait. Pour le moment, Borée était le seul qu'il ait jamais instruit.
Le paysan apprit comment l'homme était né sur Georgos Prime. Comment il y avait évolué, et surtout, qu'il ne devait jamais quitter cette planète. Aucune vie ne se trouvait au delà des étoiles. Il fallait l'accepter. La loi de l'acceptation était aussi de vigueur en ces contrées. Mais Borée sentit tout de même une boule dans sa gorge lorsque Géréo lui dit qu'il ne pourrait jamais quitter ce sol.
Les mois passèrent. Un jour, le prêtre vint le voir et lui dit : « Sais-tu ce qu'il y a derrière ces champs ? » Borée ne lui avait rien répondu. Le prêtre avait continué. « Il n'y a rien. Un jour, étant enfant, j'étais comme toi. Je voulais partir. Alors j'ai volé le moyen de transport de mon père. C'était une machine que je croyais d'un autre monde. Elle était automatique. Alors j'ai parcouru le monde. Au début mon père m'a poursuivi. Mais il ne m'a pas rattrapé. J'ai arpenté ce monde de long en large. Durant un an j'en ai fait le tour. Il n'y avait que des champs. À l'infini il n'y avait que ça. Et un jour, alors que je croyais que cela ne finirait jamais, j'ai trouvé une maison. Cette maison c'était celle que j'avais quitté douze mois plus tôt. Et mon père n'y était plus. Apparemment, s'il ne m'avait jamais rattrapé, il n'avait jamais non plus rejoint son domicile. Tel a été le prix de ma connaissance. Mais je ne le regrette pas. Par contre je vois que tu t 'en veux d'avoir laissé ta cousine dans ta quête. Demain nous partirons pour les montagnes. Mais saches que ces terres n'appartiennent pas aux hommes.

Autrefois, il y a des siècles, des millénaires, en un temps où Georgos Prime était encore une planète naturelle, vivait ici un peuple de bâtisseurs. Ils avaient érigé de puissantes cités de pierre, asséchés les mers, et nous avaient enfantés. Ainsi fini le premier âge de cette terre.
Mais la civilisation était fragile. Elle ne perdura pas. Qui sait quels cataclysmes ont ravagé leurs mégalopoles, quelles maladies les ont chassés de leurs cités. Mais ils se sont éteints. Et nous leur avons survécu. Ainsi fini le second âge de cette terre.
Le troisième fut marqué par la destinée d'un être. Il était d'une jeune race de nomades, qui jamais ne s'arrêtaient de marcher. Ils ne connaissaient pas le pain. Mais pour la première fois de l'histoire, des arbres recouvrirent les terres. Ce qui permettait à ces nouveaux habitants de subsister. L'un d'eux avait néanmoins un don... ou une malédiction. Aucune douleur ne l'atteignait. Il y était immunisé. Jamais il ne souffrait. Durant ces périples il traversa une étrange forêt d’arbustes, des plantes maudites dont les feuilles avaient été remplacées par de longues et cruelles épines. Ainsi son chemin croisa celui de notre peuple. Nous lui prédîmes son avenir et lui dîmes que si, un jour, un enfant naissait de lui, alors le destin de cette terre en serait à jamais changé.
Un jour il rencontra une femme. Une femme d'une autre espèce. Il en tomba amoureux. Mais telles unions étaient interdites. Alors ils fuirent. Et dans leur fuite, ils firent un enfant. Cet enfant grandissait plus vite que les autres. Mais alors que son père était parti, sa mère fut abattue pas le peuple qui l'avait vu naître.
Lorsque le père revint, il sombra dans la folie. La mort de sa compagne l'avait bouleversé, mais ce ne fut pas la douleur qui alors l'envahit, car il ne pouvait la ressentir. Alors la douleur fut remplacée par la folie. Il tua jusqu'au dernier des assassins de sa belle, causant ainsi la mort d'une espèce. Puis, en quête de réponse, il alla jusqu'aux plus hautes des montagnes, là où l'on disait que vivait un prophète. Son périple dura 20ans, et il y perdit son âme. Et lorsqu’enfin, après avoir subi mille tourments, il arriva à la demeure du prophète, celui-ci le chassa, et le condamna à regarder à jamais le mal qu'il avait propagé. Et aujourd'hui encore sa statue hurlante domine les montagnes.
Quand à son fils, il inventa l'animal. Il inventa la bestialité. Et il en affubla les nomades, afin de les réduire et de les exterminer. Ainsi fini le troisième âge de cette terre.
Mais les villes de ce fils étaient encore plus frêles que celles des premiers habitants de ce monde. Et le jour où les colons venus des étoiles vinrent établir leur domination, encore une fois nous fûmes les seuls survivants. Durant des siècles vous exploitèrent le sol, afin que le grain de Georgos Prime aille par delà les étoiles. Un jour ceux qui vous avaient conduit ici vous oublièrent. Ils vous abandonnèrent. Et à votre tour vous les oubliiez. Et aujourd'hui nous revenons afin qu'à nouveaux, nous, qui descendons directement des premiers habitants de cette planète, établissions notre domination.

« Les montagnes et collines qui s'étendent ici sont la demeure des esprits. Ils en veulent à nos champs.
-Un vieillard m'avait un jour parlé d'esprits qui voulaient protéger la nature.
-Oh non ce ne sont pas du tout des écologistes. Ils nous en veulent parce qu'ils étaient là bien avant nous. En fait ils nous en veulent surtout parce que ces champs ne sont pas à eux. »
Borée et Géréo se mirent enfin en marche. Le prêtre, afin de moins ressentir la chaleur, ne portait qu'un pantalon de toile et une tunique à manches courtes. À son ceinturon pendaient diverses ustensiles de survie. Mais il ne semblait pas outre mesure inquiet à l'idée d'aller rendre visite aux esprits.
Une idée surgit soudain dans l'esprit de Borée. Comment cet homme pouvait-il être si certain de l'endroit où se trouvait Aurore ? Il tressaillit et s'écarta imperceptiblement de son guide. Et sa peur ne fit qu'augmenter lorsqu'ils dépassèrent les collines... une heure après avoir quitté le puits de Géréo. Comment avaient-ils pu franchir une telle distance en si peu de temps ? Alors qu'un soleil harassant frappait les deux hommes ? Et déjà les premiers vrais reliefs défilaient sous leurs pieds ? « Quel est donc se maléfice ?... » murmura-il à soi-même.

Le roc avait prit le pas sur les cultures. La pierre ocre crissait au rythme de leur marche. Bientôt ils pouvaient admirer les champs à perte de vue. Encore cette vision. Toujours cette vision. Borée tourna le regard. Il n'en pouvait plus. Ses yeux s'attardèrent alors sur une crevasse non loin de lui. Elle semblait avoir été creusée par la main de l'homme. « Nous y sommes. Ceci est l'entrée d'un lieu d'où personne n'est jamais revenu. Tout ce que peut imaginer l'esprit peut se trouver derrière ce cap.
-Aurore s'y trouve-elle ? »
Géréo hocha la tête.
« Alors allons-y. »

La faille les mena dans les profondeur de la montagne. Parfois, un puits de lumière éclairait leur passage. Ils débouchèrent sur un vaste hall de pierre. Et à son extrémité, éclairé par la lumière du soleil couchant, était une estrade. Sur cette estrade se trouvait Aurore.
Elle était debout, la tête relevée comme si elle regardait une personne plus haute. Borée cria son nom. Alors apparurent soudain des milliers d'esprits. La plupart cernaient l'estrade. Et Aurore avait disparu. À sa place se trouvait maintenant un esprit plus grand qu'un homme. Cette matriarche poussa un cri strident qui fit éclater les tympans de Borée. À ce son les esprits enlevèrent leurs masques.
Leurs visages étaient hideux. Imaginez des enfants dont les veines feraient littéralement exploser leurs peau. Des enfant dont les bouches sans lèvres, fendues et gercées, dévoileraient des dents jaunes, pointues et déchaussées. Des enfants dont les petits yeux rouges brûleraient constamment de haine. Des enfants sans nez. Alors vous verriez peut-être les esprits tels qu'ils sont.

Aurore brûlait de l’intérieur. Elle voulait crier, se dégager, mais en était incapable. La souffrance était telle qu'elle ne sentit pas la morsure de l'être qui transperçait sa chère, buvait sa vie, buvait son âme. Et lorsque enfin l'étreinte mortelle se desserra, elle ne le sentit pas.

Borée courait aussi vite que ses jambes le lui permettaient. Géréo, plus fort, portait la jeune femme sur son dos. Les esprits les talonnaient de près. Le chemin qui pour venir avait semblé si court était désormais infini. Et quelque malice avait fait pousser les cultures jusqu'à ce qu'elles soient plus hautes qu'un homme. Borée perdit bientôt de vue le prêtre. Il ne pouvait l'appeler de peur de se faire repérer par les esprits, alors il continua sa course, au risque de se perdre dans les champs. Il avait déjà entendu les récits de paysans s'étant perdus à jamais dans les champs, sans jamais être revenus. Et généralement, les rares fois où on les retrouvait, c'était sous forme de squelettes. Borée jaillit soudain dans un carré dépourvu de cultures. Il était revenu au puits.

« S'en remettra-elle bientôt ?
-Dans quelques jours tout au plus. Elle a perdu beaucoup de sang.
-Je vous remercie de votre accueil. Mais nous repartirons dés qu'elle sera remise.
-Je m'y attendais. »
Géréo se retourna. Ses yeux étaient emplis de tristesse. Et elle pointait dans sa voix.
« Êtes-vous sure de ne pas vouloir rester ? Juste quelques semaines, lorsque les premières moissons auront débutées. Nous pourrons ainsi vous fournir quelques grains pour votre voyage et...
-Non. Je vous remercie mais non. Je sais ce que vous ressentez pour elle. Mais je ne vous laisserais pas me la prendre. »
Géréo fut frappé de stupeur. « Vous ne contez pas sérieusement vous...
-Elle n'est qu'une cousine très éloignée. Et je ne l'ai jamais vraiment considérée comme telle.
-Mais, vous ne pouvez pas faire ça ! C'est contre toute éthique...
-Je ne suis pas d'accord. Et puis... elle est à moi.
-Je ne peux pas vous laisser faire ça.
-Vraiment ? Et bien... »

Borée se retrouva tout de suite à terre. Il avait sous-estimé son adversaire. Il avait été fou de s'attaquer à ce colosse. Et il en payait maintenant les conséquences. Il était littéralement écrasé par le poids du prêtre. Le son du martèlement des coups sur son corps raisonnaient d'autant plus dans ses oreilles encore endolories du cri de la matriarche. Il ferma les yeux et libéra une larme.

Lorsqu'il se réveilla, Borée était dans les champs. En sang. Il tenta péniblement de se relever, mais n'y parvint pas. Il grimaça de douleur. La douleur... Elle était toujours présente et se ravivait au moindre de ses mouvements. Il cracha du sang et une dent. Il vit alors devant lui, assis sur une pierre, un esprit. Il accepta alors son destin.

La vie dans le puits continua comme si de rien n'était. La disparition de Borée n'avait chagriné n'y étonné personne, et les moissons, bien que chaque année plus pauvres, continuèrent. Les esprits quand à eux ne se montrèrent plus. Peut-être attendent-ils toujours leur heure...
Revenir en haut Aller en bas
reynova
Termagaunt
reynova


Messages : 101
Date d'inscription : 09/07/2011
Age : 30
Localisation : Lille <--> île de France

Georgos Prime Empty
MessageSujet: Re: Georgos Prime   Georgos Prime Icon_minitimeVen 24 Fév 2012 - 0:45

Fièvre littéraire, c'est gentil !
Quelques transitions un peu rapides, la fin est bizarre, mais j'adore !
Revenir en haut Aller en bas
 
Georgos Prime
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Trygon Prime
» [Conversion] Tyranide Prime
» [AM] 19e Regiment de Scipio Prime
» Le Héros de Gorgona Prime
» [conseil] Tyranide prime

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le Grand Carnassier  :: Les proies :: Background-
Sauter vers: